LE PROJET
Une première alerte fut lancée en 1991, par la police locale, qui avait fait fermer l’Haçienda dans le but qu’en soit renouvelé le personnel. En effet, à l’époque, la mafia avait investi l’Haçienda et en gérait les entrées, la sécurité, et les trafics. Les règlements de comptes à mains armées commençaient à ternir l’image club. Mais c’est en 1997 que s’éteint définitivement le sound-system de l’Haçienda. Ayant déjà perdu sa licence IV, la direction rennonça à se battre contre les autorités locales, qui mirent un point d’honneur à fermer l’institution.
Le bâtiment fut donc revendu à des promoteurs immobiliers, qui le transformèrent en immeuble de résidence de luxe. Le mobilier, la décoration, et les matériaux emblématiques du club firent l’objet d’une vente aux enchères, organisée le samedi 25 novembre 2000 au Richard Conrad Building, à Manchester. Il est intéressant de repréciser que le nom du club était tiré du titre de l’ouvrage Il faut construire l’Hacienda, de Chtcheglov, un théoricien issu du mouvement de l’Internationnale Situationniste. C’est ainsi que le courant de pensée qui prônait le rejet de la société capitaliste et consumériste avait engendré un Club, dont l’essence même allait se retrouvée monétisée en 69 lots, sous les coups du marteau de Ian Tonge.
Si à l’époque, beaucoup d’acteurs de la scène musicale Mancunienne, mais aussi d’ailleurs, s’étaient procurés ces souvenirs, témoins de la vie d’un lieu qui leur étaient familiers, aujourd’hui, un réel marché existe pour ces objets, régulièrement présents dans les salles de vente. Une communauté de fanatiques existe elle aussi.
L’exposition « Let’s Own The Dancefloor » présente différentes typologies d’objets. La première contient des pièces directement liées à la vente aux enchères de l’Haçienda. Les pièces uniques vendues lors de l’évênement de 2000 sont réinterpretées en vue de devenir des produits dérivés, accessibles à tous. Une seconde typologie vise à créer des objets d’après des thèmes liés à Factory, tels que des évènements, des objets identitaires, mais qui ne sont aucunement liés à la vente aux enchères. La troisième porte sur l’immatériel et l’aura du label. En effet, le label Factory Records était très porté vers la matérialité. Chaque occasion était un prétexte à produire des objets. Ce besoin de produire des formes et de rendre tangibles des évènements liés à la vie de la maison de disque se ressent notamment au travers de la méthode de classification utilisée au sein de son système de catalogage et d’indexation. Chaque objet, mais aussi chaque date clé se voit attribuer un numéro, précédé de la nomenclature « Fac ». Des variantes sont établies pour cette nomenclature : Facx regroupe les objets édités pour les cartes de vœux de fin d’année, Fact est la nomenclature réservées aux longs formats musicaux. Des références incongrues furent aussi ajoutées à cette liste de « Fac », notamment un procès de Martin Hannet (un des producteurs du label) à l’encontre de Factory, ou encore le Egg Timer de l’artiste Linder Sterling, dont l’objet final ne fut jamais remis au label et dont la présence dans le catalogue se résume à une esquisse préparatoire sur serviette en papier.
Les objets de cette dernière typologie, produits spécialement pour l’exposition, matérialisent l’immatériel. Ils font ainsi écho à la notion d’hyper-matérialité toujours présente dans l’univers de Factory Records. Cette matérialité et ce besoin de tangibilité est aussi une nécessité pour les fanatiques de cette époque, pour qui posséder une brique du club est un acte fort. Cependant, posséder une brique de l’Haçienda relève avant tout du mental : il s’agit là de posséder un objet lié à l’imaginaire, car une brique reste une brique, même si elle provient de l’Haçienda.
La quatrième et dernière typologie d’objets consiste à de potentiels ajouts au catalogue Factory. Entre objets esthétiquement fantasmés et contrefaçon d’objets d’époque, saurez-vous reconnaître le vrai du faux ?
Le projet « Let’s Own The Dancefloor » est avant tout un désir de rendre accessible à nouveau un label qui ne l’était plus. À mi-chemin entre Fan-Art, hommage et contrefaçon, cette exposition est avant tout une collection d’objets incongrus, potentiellement augmentable par qui souhaite prendre part au projet.
Rendre le label et ces objets accessibles passe aussi par le site internet Let’s Own The Dancefloor, sur lequel les pièces sont référencées, avec une redirection vers les sites des partenaires ayant contribué à leur fabrication. Il est ainsi possible de télécharger les fichiers liés aux objets de l’exposition pour les commander en ligne chez les partenaires. Les objets de cette exposition open-source ont donc un statut particulier : ce sont des pièces uniques qui peuvent devenir sérielles.